
The Brutalist
Un film de Brady Corbet, sorti le 20 décembre 2024
Status: ✅ Vu le 11 mars 2025
La meilleure scène et le meilleur plan du film est le tout premier. Cette longue marche qui commence dans l'ombre, où on ne sait pas si on est dans une prison, un camp de concentration, un wagon à bestiaux, une gare bondée. Un crescendo sonore, visuel, littéral, alors que le personnage monte vers la surface, pour finalement débarquer dans la lumière, aveuglante, sourde, et cette statue de la liberté qui apparaît à l'envers, de travers, annonciatrice que quelque chose ne va pas dans ce pays, qu'elle n'est pas, qu'elle n'est plus le phare qu'on aperçoit et qui réjouit. Le film passera deux heures à chasser ce plan, sans jamais le reproduire, tout juste l'imiter dans la narration de plus en plus étouffante, dans les années qui passent et qui ne voient pas le sort de cet architecte s'améliorer, dans les propos appuyés, les sous-entendus dépoussiérés, car ça reste un film états-unien, il faut tout bien mettre au clair, perdre personne en cours de route, alors le film s'étire, s'allonge, là où le matériau brut, le béton, la statue retournée, est simple, directe, sans concession. Jusqu'à cet épilogue qui vient carrément nous expliquer, l'auteur qui ne voudrait pas qu'on passe à côté de la métaphore pour la Shoah, le béton comme une prison, les plafonds haut comme un espoir, vous voyez - ou plutôt, avez-vous vu ? Oui, on a vu. C'est même quelque chose de particulièrement distinctif lorsqu'on se met à parler d'architecture brutaliste: elle existe pour être vue. Entre voir et voyeur, le film tangue et penche hélas trop vers le deuxième, trop pour son propre bien, ce qui rend le voyage un peu longuet - sans être inintéressant pour autant, soyons clair, j'ai apprécié le film. Car ce qui compte, c'est la destination après tout, c'est ce point final balancé à la figure, après trois heures, ce poing qui cogne une dernière fois, façon brutale, façon hollywood.
Dans la liste suivante: