Nicolas Moisson

Bilan culturel 2022

- 24 janvier 2023 -

Je n'ai pas fait la moitié des objectifs à moitié autant que je le voudrais, et j'aime moins de la moitié du reste à moitié autant que ça le mérite.

Films

Voyage of Time (Terrence Malick, 2016)

Taken for a Ride (Martha Olson, Jim Klein, 1996)

Amadeus (Milos Forman, 1984)

Too Big to Fail (Curtis Hanson, 2011): la dernière partie du tryptique de films sur la crise financière de 2008. Margin Call exposait le drame depuis l'intérieur d'une banque, The Big Short multipliait les points de vue des satellites qui gravitaient autour de la crise, Too Big to Fail prend le parti du secrétaire trésor des Etats-Unis et de la branche gouvernementale. C'est le plus faible des trois films, à la fois cinématographiquement parlant mais aussi à cause de ses intervenants. C'est la bureaucratie de bout en bout, des négociations entre l'état et les banques, des pourparlers pour sauver le navire, là où les deux autres films le montrer en train de couler. Too Big to Fail a la saveur d'une solution, quand nous voudrions voir le problème disparaître tout simplement, et ne jamais avoir existé en premier lieu.

Bright : Samurai Soul (Kyouhei Ishiguro, 2021)

Passengers (Morten Tyldum, 2016)

Le Navire Night (Marguerite Duras, 1979)

Wasabi (Gérard Krawczyk, 2001): Un pur produit de son époque et de Besson, à travers EuropaCorp, qui a pondu une flopée de films de ce genre dans les années 2000, avec des taxis, du Jean Reno pince-sans-rire qui ne fait qu’une tête et deux expressions faciales – faussement naïf ou vaguement menaçant – des gros flingues, du male gaze, de l’humour gras et des lolitas, quand ce ne sont pas des femmes fatales. Wasabi mélange tout ça et y ajoute une touche d’orientalisme et de clichés affligeants. Le Japon finalement c’est quoi, semble dire Luc Besson ? Des yakuzas (la tradition), des salles d’arcade avec du DDR (la modernité), et au milieu une sauce soi-disant piquante qui n’effraie pourtant pas le mâle alpha français au grand cœur. Embarrassant.

Rashomon (Akira Kurosawa, 1950): visionné sur Mubi en synchro avec C., I. et C., pas la banque hein, trois personnes distinctes. C. et C. ne l'avaient jamais vu, aussi on a proposé de faire une découverte de part et d'autre des tandems.

Le Bossu de Notre-Dame (Trousdale, Wise, 1996)

Un condamné à mort s’est échappé (Robert Bresson, 1956): une tension en fil rouge qui m'a particulièrement plu.

Ender’s Game (Gavin Hood, 2013)

Lucy (Luc Besson, 2014): visionné avec O. et S. parce que le film qu'on voulait à la base regarder n'était pas disponible, alors on s'est rabattu sur celui-là. C'est difficile d'y voir autre chose que Besson qui fait du Besson, et le visionnage de Wasabi plus tôt dans l'année n'a pas aidé. C'est trop affligeant pour être drôle, c'est trop cher pour être léger, c'est trop problématique pour être sympathique, sans plus.

Michael Kohlhaas (Arnaud des Pallières, 2013): j'ai le même sentiment devant ce film que devant Katalin Varga: je me sens exalté par la volonté inébranlable du personnage principal, le refus de compromettre et d'aller jusqu'au bout du drame, boire la coupe jusqu'à la lie, jusqu'à se faire trahir par la réalité du pouvoir, dans le cas de Michael, ou la morale tiède du réalisateur, dans le cas de Katalin. J'étais content que Michael puisse aller au bout de son voyage, même si ça signe son arrêt de mort. On le savait, il le savait, la tragédie grecque, tout ça tout ça. Je suis toujours aussi sensible à cela, surtout quand c'est bien fait.

Edge of Tomorrow (Doug Liman, 2014)

Dune (David Lynch, 1984)

Sycorax (Lois Patino, Matias Pineiro, 2021): un film Mubi/10, qui n'existe que pour faire le tour des festivals et raffler des prix sans jamais sortir du circuit et de l'entre-soi.

The Actress (Andrew Ondrejcak, 2022)

The 5th Wave (J. Blakeson, 2016)

Tempura (Akiko Ohku, 2022): vu au cinéma avec O.

Made in Abyss : Fukaki Tamashii no Reimei (Kadokawa, 2020)

Femmes au bord de la crise de nerfs (Pedro Almodovar, 1988): visionné avec O., pour me faire découvrir Almodovar. Ce fut très plaisant. Un vaudeville sans la grivoiserie, une comédie dell'arte sans bouffon, un jeu du chat et des souris, qui ne sourient plus trop et veulent la peau du chat, à raison.

Made in Abyss: Dawn of the Deep Soul (Kinema Citrus, 2020): apparemment ça devient une tradition de faire un film entre deux saisons d'un anime, film qu'il est préférable d'avoir vu si on veut avoir une chance de comprendre ce qu'il se passe à la saison d'après. Je n'approuve pas beaucoup qu'on me force la main, surtout si le film est inaccessible sur la plateforme qui propose les saisons par la suite. Pour autant, le film de Made in Abyss est une replongée satisfaisante dans cet univers. On y retrouve le mystère, l'horreur, le puits sans fond, les réponses qui amènent encore plus de questions.

The Phantom of the Opera at the Royal Albert Hall (Nick Morris, Laurence Connor, Andrew Lloyd Webber, 2011): visionné avec C., qui avait réussi à graver dans ma mémoire l'air d'un morceau, dans une guerre psychologique qui s'est conclue par le visionnage, qu'on en finisse. C'est en passe de devenir un rituel chaque année de regarder une pièce de théâtre filmée. L'année dernière c'était Seven Souls in the Skull Castle, cette année c'est le fantôme de l'opéra. Comme l'année dernière, j'ai apprécié l'expérience. Le théâtre c'est chouette, les performances en direct c'est prenant. Voir un groupe de personnes chanter à l'unisson, ne plus savoir où regarder tellement il y a de détails ici et là, remarquer un regard, un geste dans une chorégraphie d'un personnage secondaire à l'arrière-plan, puis revenir sur le duo devant. Comme dans Seven Souls, il y avait aussi à la fin de cette édition anniversaire une histoire de transmission de la pièce, à travers les années, de troupe en troupe, soulignant la puissance inégalée des mythes qui traversent le temps et sont réappropriés, augmentés, remodelés.

Die Hard (John McTiernan, 1988): ça a vieilli, ce n'est pas mon genre de films.

Arrival (Denis Villeneuve, 2016): je regrette que la partie linguistique soit à la limite la partie qui soit la moins explorée dans le film, tout ça pour avoir un twist scénaristique à la fin qui prend toute la deuxième moitié du film.

The Equalizer (Antoine Fuqua, 2014): je ne sais pas pourquoi on s'est mis à regarder ça, ni pourquoi on a fait tout un arc ensuite de films similaires d'ex-agents invincibles qui sont double, triple crossed, par leurs alliées, par leurs hiérarchie, par leur pays. The Equalizer est, en rétrospective, le plus intéressant. Jusqu'à la moitié du film on ne sait pas si on doit s'attendre à quelque chose de sérieux ou non, puis ça devient clair: c'est tout sauf sérieux, même si ça se prend au sérieux. Alors on apprécie les stratagèmes de plus en plus extravagants, jusqu'au final surréaliste, presque poopesque. C'est l'histoire d'un ex-agent de la CIA qui est aussi bricoleur à ses heures perdues, et tue ses ennemis dans un Bricomarché avec trois clous et deux scies sauteuses. Repasse-moi la bière, c'est trop drôle pour être affligeant, dans le bon sens cette fois.

Salt (Phillip Noyce, 2010)

The Equalizer 2 (Antoine Fuqua, 2018)

Ava (Tate Taylor, 2020): autant Salt on pouvait encore y trouver quelque chose dans le double jeu d'agents secrets, l'infiltration des hautes sphères, les retournements de situation, autant Ava nage dans un marasme dont il ne ressort jamais.

The Addams Family (Barry Sonnenfeld, 1991)

Oblivion (Joseph Kosinski, 2013)

The Yinyang Master (Li Weiran, 2021): c'est un film qui s'inspire d'Onmyoji, le gacha. Oui. Oui oui.

Jeux vidéo

Beyond Good & Evil (Ubisoft, 2003): la deuxième moitié du jeu sans Pey'j et ses lignes de dialogues est plus faible que la première, surtout quand on se coltine à la place un soldat zélé et biberonné à sa bible militaire de CARLSONNNN AND PEEETERS, ugh, c'était pénible au bout d'un moment. Pour autant, l'univers dépeint est charmant, on devine derrière qu'il y a plus, et c'est toujours un aspect qui me plaît.

Aegis Defender (GUTS Department, Humble Games, 2018)

Noita (Nolla Games, 2019): il reste beaucoup à découvrir, mais ce que j'ai vu m'enchante. Une grande part est laissée à l'expérimentation, aux erreurs, aux maladresses, à l'inconnu. Rien ne me fait plus plaisir que de découvrir que non seulement il y avait effectivement quelque chose derrière cette butte, mais que ce n'était même pas une butte, c'était une montagne et il y avait aussi quelque chose dessous, et tout au-dessus également, et encore au-delà, bien au-delà de notre horizon d'imagination.

Hidden Folks (Adriaan de Jongh, Sylvain Tegroeg, 2017)

Sunlight (Krillbite Studio, 2021): Le jeu veut nous faire ressentir un frisson, un sentiment de merveilleux mêlé d’amour pour la Vie avec une majuscule...mais c’est noyé dans une narration cacophonique d’un texte qui aligne les descriptions cliniques de stimuli physiques et  donne l’impression d’entendre la version rationnelle (tendance Eliezer Yudkowsky/Scott Alexander) d’un roman naturaliste.

Backbone (EggNut, Raw Fury, 2021)

Shining Force (Climax Entertainment, Sonic ! Software Planning, Sega, 1992)

The Witcher 3 : Wild Hunt (CD Projekt, 2015): ça y est, après des années de réclamation de la part de C., je l'ai démarré, et je l'ai fini ce jeu. J'ai même fait les DLCs, et je ne me suis même pas tant forcé que ça pour les faire. Il y a beaucoup à dire sur ce jeu, S. est passé par là avant moi et a déjà défriché un bon morceau. Qu'est-ce que j'en retiens, finalement ? Des architectures, celles d'Oxenfurt et Kaer Trolde en particulier; deux lignes de dialogue qui m'ont bien fait rire, ici et ; des personnages bien écrits, bien joués, avec des relations qui sonnent vraies, je pense à Lambert, Dijkstra, Johnny; des morceaux aussi, tour à tour hypnotiques, festifs, mélancoliques; mais tout ça ce ne sont que des assets. Le coeur du jeu, le propos, me laisse sur ma faim. Beaucoup trop d'éléments de design de monde ouvert qui referment le monde sur lui-même paradoxalement. Des quêtes qui ne peuvent être résolues sans devoir passer par le sens caché de sorceleur, l'impossibilité de se passer de l'interface pour naviguer sur le territoire, des combats qui ignorent complètement les règles pourtant établies de l'univers, réduisant les rencontres en une succession de roulades, comme si c'était Dark Souls 3 à nouveau. Des choix faussement multiples, qui sont finalement binaires. Des campagnes qui se vident à chaque jeu qui passe, et font office de tampons entre deux lieux plus intéressants, contrairement à Witcher 1 où on passait les deux premiers chapitres littéralement les pieds dans la vase et dans les champs de blé à la recherche d'idoles, d'enfants perdus et de noonwraiths, et où la ville principale puait l'alcool et la pauvreté des quartiers discriminés.

The Witcher 3 : Heart of Stone (CD Projekt, 2015): alors j'ai rempilé pour le premier DLC, et si j'ai apprecié pouvoir retrouver Shani ainsi qu'obtenir l'arme avec le meilleur son d'impact du jeu, après un passage onirique fort plaisant, je dois avouer qu'arrivé au bout j'étais toujours sur ma faim. Le sosie de David Beckham ne m'a pas vraiment intéressé, et l'antagoniste, bien qu'effrayant, est inatteignable de par sa nature quasi-divine, donc sans enjeu véritable. J'ai voulu que ça se déroule ainsi il faut dire, je n'aurais pas apprecié une seconde fois, après avoir battu la Wild Hunt, pouvoir tuer à nouveau une force qu'on nous décrit comme otherworldy et quasiment invincible, juste en faisant trois roulades et quelques coups d'épée. Mais du coup j'en ressors insatisfait,

The Witcher 3 : Blood and Wine (CD Projekt, 2015): alors j'ai continué, et là, l'amour au premier regard. Toussaint, dans mes bras, dans mon sein, à bas la grisaille, et bonjour le soleil, la vie, le vin, les chevaliers à plume, la politesse délicieusement désuette, le cimetière de la mère la chaise longue (en français dans le jeu), une quête qui parodie le laisser passer A38 d'Astérix, une autre qui demande de caresser les testicules d'une statue, non mais c'est trop vraiment, c'est vivant, c'est joyeux, c'est braillard, c'est joillard, c'est bavard, c'est galant, c'est revanchard, c'est Toussaint, et c'est sans aucun doute possible le meilleur morceau du jeu.

Haven (The Game Bakers, 2020): fait en coop avec O., en l'espace de quatre mois environ. Un jeu about, mais surtout un jeu between. Un jeu entre Kay et Yu, between me and you, between you and me. Un jeu qui oscille entre combats où on se serre les coudes et dialogues où on ouvre les bras pour accueillir l'autre, avec ses peurs, ses joies, son soutien, ses insécurités, son amour, ses incertitudes sur le futur, sur les gens qui nous pourchassent, sur le quotidien, sur les règles annexes d'engagement selon le guide du joueur, chapitre 12, page 45. This is a mission fooooor...

INSIDE (Playdead, 2016): écrit en anglais à l'époque parce que je voulais explorer le style de Tevis Thompson, parce que j'ai pensé à lui et LIMBO après la session: the further you go inside, the more samefeeley it gets. Meaning is splatttered, broken, obtuse, unfocused. It could be about anything, really, so it is about nothing. Only remains the sound, the vista, the cherries for literature major pickers. That is to say, a checklist of good things, a discussion at a distance, critical and yawn-inducing. Barely worth having nightmares about.

The Dream Machine, Chapter 1 & 2 (Cockroach Inc, The Sleeping Machine, 2012)

Slide in the woods (Jonny’s Games, 2021)

The Black Iris (Arboreta Games, 2021)

Blasphemous (The Game Kitche, Team 17, 2019): mon jeu de l'année. Texte à venir dessus.

Livres

La société autophage (Anselm Jappe, 2017): C'est mon auteur des deux dernières années. J'enchaîne en 2023 avec Béton, une arme de construction massive du capitalisme, qui donne tout autant le ton que La société autophage, peut-être moins imagée. À noter que Jappe était un grand commentateur de Debord, un autre rigolo qu'on aime bien par ici.

Liquid Modernity (Zygmunt Bauman, 2000)

Repenser la pauvreté (Abhijit Banerjee, Esther Duflo, 2011): on pourrait croire que le livre enfonce des portes ouvertes. C'est le contraire, il en ferme. Par exemple il referme la porte du mythe qu'il suffirait de simplement envoyer ou produire plus de nourritures dans les pays en proie à la faim pour qu'elle soit attenuée. Il n'en est rien, et le livre explore les mécanismes sous-jacents, et souvent très pernicieux, qui font que ces stratégies sont inefficaces. Je pense que beaucoup de philantropes auraient quelques plumes froissées à la lecture du debunkage que Banerjee et Duflo font des stratégies d'interventionnisme des pays riches auprès des pays pauvres. Il ne suffit pas de filer du riz, ce serait trop simple. Est-ce que c'est justement parce que c'est simple de faire ça qu'on ne fait pas plus ? À l'image du livre, je ne m'aventurerai pas sur cette pente glissante qui sent un peu le complot des élites maintenant les gens délibérément dans la misère. Repenser la pauvreté, c'est avant tout repenser des biais et des structures inappropriées, et se détâcher de la pensée magique.

Trois gouttes de sang (Sadeq Hedayat, 1932): je ne comprends pas l'attrait du recueil. Est-ce que c'est du commentaire dénonciateur de la société iranienne des années 30 fortement imprégnée de paternalisme, patriarcat, religion oppressante, que sais-je encore ? On aimerait le penser, surtout qu'Hedayat a apparemment vécu en France un bon moment. Rien dans le texte ne semble le suggérer malheureusement, tout est écrit au premier degré, et l'absurde, quand il surgit, ne vient pas remettre ça en question, tout au plus il joue autour des situations provoqués par les carcans cités plus haut. Est-ce que ce sont des histoires qui se veulent délibérément quelconques, pour mieux souligner l'ironie de la réalité ? Est-ce que c'est la traduction, peu inspirée, qui m'a fait passer à côté du texte ? Je ne sais pas, et c'est très gênant.

Propriété privée (Julia Deck, 2019): un humour et une écriture tour à tour pince-sans-rire, noire ou très incisive, qui saupoudre une parodie de roman policier sur fond de quartiers résidentiels peuplés de parisiens et parisiennes névrosées.

Bandes dessinées

Vagabond tome 1 à 20 (Takehiko Inoue, 1999-2004)

Albums

Yoshi’s New Island OST (Masayoshi Ishi, 2014): et dire que plusieurs paires d'oreilles ont écouté ça chez Nintendo et se sont dit "c'est bon pour nous, envoyez en prod". Je n'en reviens pas.

Death Magnetic (Metallica, 2008)

Grey Skies (Taeko Onuki, 1976)

Stay With Me (Amelie Lens, 2017)

Elect the Dead (Sarj Tankian, 2007)

Imperfect Harmonies (Serj Tankian, 2010)

Orca Symphony No. 1 (Serj Tankian, Das Karussel, 2012)

Thrill of the Arts (Vulfpeck, 2015): petite série de Vulfpeck et Moon Hooch, après avoir fait découvrir les deux groupes à O. C'est groovy, funky, jazzy.

The Beautiful Game (Vulfpeck, 2016)

Mr Finish Line (Vulfpeck, 2017)

Red Sky (Moon Hooch, 2016)

Spectra (Chipzel, 2013)

Of Kindom and Crown (Machine Head, 2022)

Série

Battlestar Galactica (Ronald D. Moore, 2004-2009): revisionnage pour le faire découvrir à C. Comme il y a quelques années, j'aime toujours autant la première moitié de la série, puis ensuite ça part en eau de boudin religio-ésotérico-on-sait-plus-quoi-faire-du-scénario-autant-faire-de-starbucks-jesus

Demon Slayer : Yaiba Mugen Train (ufotable, 2021)

Demon Slayer, saison 2 (ufotable, 2021)

Move to Heaven (Kim Sung-ho, 2021): C’était la première fois que je regardais une série sud-coréenne, alors je n’ai aucun recul sur les archétypes ou le paysage audiovisuel du pays. Je ne sais pas si la critique de la société sud-coréenne est quelque chose de subversif ou si au contraire c’est assez commun. Celle présente dans Move to Heaven est en petites touches seulement, et de manière plus diffuse, avec le choix d’adopter le point de vue d’un personnage central sur le spectre autistique. À travers ses yeux et ses réactions, on observe en miroir une société réglée comme une montre, où chacune a sa place et son rôle. Le parallèle du rangement et du nettoyage effectué par le personnage principal en tant que trauma cleaner, associé à ses spécificités comportementales et verbales, soulignent paradoxalement la rigidité et la froideur de l’univers dans lequel il vit. C’est alors à lui et à ses proches de trouver la chaleur et la sensibilité là-dedans, ce qui est joliment montré dans les différents cas abordés et les histoires que les personnes décédées laissent derrière elles. Les morts parlent, nous dit-on, et parfois mieux que les vivants ; ce n’est pas pour autant qu’il faut négliger ni les uns ni les autres, pour peu qu’on daigne écouter. Ce mécanisme sous-jacent à la série la porte efficacement sur une première moitié, avant de passer en retrait dans la deuxième moitié pour se concentrer sur un drame légèrement moins intéressant à mes yeux.

Requiem of the Rose King (JC Staff, 2022): c'est...je ne sais pas. Ecoutez, vous n'avez peut-être jamais pensé à Richard III comme un femboy emo qui veut coucher avec son ennemi mais qui ne le sait pas encore parce que l'adolescence, les hormones, la pression de la royauté et de la guerre, la politique tout ça, mais quelqu'un, quelque part au Japon, y a pensé, et en a fait un manga, puis un studio l'a animé, et il fallait donc que je regarde ça, pour ne pas mourir bête. Voilà.

The Woman in the House Across the Street from the Girl in the Window (Hugh Davidson, Larry Dorf, Rachel Ramras, 2022): lancée au hasard, et en fait c'était ce que j'ai vu de mieux cette année en série. La définition de la subversion, qui subvertit même le fait de subvertir et piège les gens qui adorent anticiper ce genre de choses, au point de les blaser, à tort. Ça m'a fait penser à Katanagatari par certains aspects.

Chris Colorado (Thibaut Chatel, Franck Bertrand, Jacqueline Monsigny, 2000): On sent qu’il y a un univers derrière, mais il se fait timide. Chris Colorado emprunte à un imaginaire post-apocalyptique (notamment Escape from New York, l’inspiration primaire) qui ne regarde pas en arrière, ou très peu. L’accent est plutôt mis sur ce qui reste aujourd’hui, à travers des personnages variés et un mélange des cultures jamais remis en question. L’action, si elle est souvent expéditive et peu regardante sur les détails, fait avancer de façon efficace une narration qui se veut mystérieuse, conspirationniste, et toujours prête à lancer des pistes ici et là. C’est regrettable de voir que la fin de la saison s’emmêle les pinceaux et cherche à conclure trop vite, trop loin. L’histoire restera inachevée, tant pis, tant mieux.

Attack on Titans : The Final Season (MAPPA, 2022): surprise, ce n'était pas la saison finale. Mensonges ! Je dois avouer que depuis que les Titans ne sont plus vraiment des Titans mais des armes de guerre et que les gens ne sont plus vraiment des gens mais des copies carbone pour nous refaire une allégorie de la deuxième guerre mondiale, la série m'ennuie ferme. J'ai lâché le manga à peu près à ce moment, je voulais voir le reste en anime parce que quitte à s'ennuyer, autant le faire devant des images qui bougent, mais ça commence à faire long d'attendre la fin qui n'arrive pas.

Made in Abyss, saison 2 (Kinema Citrus, 2022): cette série et Demon Slayer ont eu exactement la même structure pour leur 2ème saison, et je me demande si c'est quelque chose qui émerge des processus de publication des mangas, avec la pression des magazines ou que sais-je. Après un début qui tape fort, qui laisse la part belle au développement, à l'introduction de l'univers, des personnages, on plonge ensuite dans un arc mou du genou qui se concentre sur un seul personnage, un seul lieu, une seule trame narrative. Que c'est chiant, que c'est long. Dans Demon Slayer, on met tout en pause pour suivre un des leaders dans le quartier chaud de la ville. Il passe son temps à attendre que le scénario l'appelle, il a plusieurs femmes qui ne sont là que pour le glorifier, et les trois héros à côté font des singeries au mieux ridicules, au pire problématiques. Puis tout d'un coup le deus ex machina arrive, il faut se réveiller, les méchants deviennent vraiment très méchants, les héros se découvrent des pouvoirs qui sortent de nulle part, et ça se termine comme ça a commencé. Le monde était en pause pendant ce temps, il ne s'est rien passé dehors, et si peu dedans. Dans Made in Abyss, c'était la même chose. On commence par une descente de 6 niveaux dans la saison 1, plusieurs milliers de mètres parcourus et tout autant de nouvelles choses découvertes, et ensuite dans la saison 2 on passe tous les épisodes dans un seul village ??! Le rythme est affreux, il ne se passe rien, on nous introduit un système de valeur dont on se contrefout parce qu'en dehors du village ça n'a aucun autre usage, tant narratif que mécanique. Les personnages sont tous plus moches les uns que les autres, et leurs motivations peu convaincantes, jusqu'à ce que le deux ex machina arrive, il faut se réveiller, la méchante devient vraiment méchante, le deutéragoniste se découvre des pouvois qui sort de nulle part, et ça se termine comme ça a commencé, avec un monde qui n'a pas bougé d'un iota pendant ce temps.

Spy x Family, saison 1 (Wit Studio, CloverWorks, 2022)

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