Bilan personnel 2020

Publié le 3 janvier 2021 dans les catégoriesbilanblog

Je n’ai pas grand chose à dire sur cette année. Je pourrais copier/coller ce que j’ai dit l’année dernière, et ce serait à peu de choses près le même constat sur tous les plans. Le confinement ne m’a pas particulièrement affecté; pire, il a exacerbé le fait que j’étais toujours au point mort créatif et professionnel, et les mois ont défilé sans que je puisse rationaliser leur passage. Où sont-ils allés ? Je le sais, vaguement: j’ai pointé devant le code, semaine après semaine, j’ai avalé des centaines d’heures d’apprentissage, d’itération et de réitérations de design, j’ai fait et défait des dizaines de mockups et d’habillages; j’ai ouvert et fermé et ouvert et fermé tour à tour Visual Studio et LibreOffice Writer, nuit après nuit, mois après mois. Et rien n’est sorti. Ou plutôt - rien n’est dehors. Là-bas. Ici. Quelque part. Rien à montrer, rien pour prouver. Parce qu’il faut prouver. Se prouver à soi-même qu’on est capable. Prouver aux autres qu’on est embauchable. Rien à lire, rien à donner à lire. Parce qu’il faut partager. Parce qu’aucune discussion ne démarre et ne se termine en esprit seulement. Aucune qui implique plus que moi-même, en tout cas.

J’ai lu quelque part — je ne saurais pas retrouver le lien, hélas — le témoignage de quelqu’un qui faisait de la peinture, puis qui a eu un passage à vide de 5 ans. 5 ans durant lesquelles plus aucune peinture n’a été produite, et que les pinceaux ont séché. Cette personne a repris l’exercice par la suite, non sans s’être sérieusement penchée sur le désert traversé. La perception même de cette période comme étant un désert est une construction: personne ne croit sérieusement que la personne n’a strictement rien fait durant ce laps de temps. Elle a fait autre chose — vivre pour commencer, ou peut-être s’occuper de proches, réparer un tracteur, apprendre le tricot, expérimenter l’associatif de proximité dans des quartiers qualifiés de “difficile” — d’autres choses qui ne sont pas autant valorisées que la peinture, à ses yeux — ou aux yeux des autres ? Le trou dans le CV est un trou pour l’autre, pour les ressources humaines. Pour nous, c’est du présent tendu, un temps qui se présente comme n’importe quel autre — ici. Et là.

Mais je ne souhaite pas attendre aussi longtemps avant de revenir à l’écriture, critique ou fictive. Des discussions avec des proches ont permis de mettre en évidence un changement dans l’approche critique, et dans ce que je cherche à transmettre dedans. Cela m’a permis de consolider l’approche que j’avais conceptualisée uniquement dans mes pensées. Il y a aussi eu un volet sur la perception du temps et au vu des réactions que j’ai pu recevoir de part et d’autres lorsque j’évoquais ou exerçais la mienne, elle est moins répandue. Ce fut aussi une source de changement. Et donc, finalement, la balle est dans mon camp. Elle l’a toujours été.

Pour finir — je ne sais pas où ça finit, mais en tout cas ce texte se termine — 2020 était moins une année du je, et plus une année du nous. Ça n’a rien à voir avec le message ambiant de solidarité face au COVID, si peu. Non, c’est un nous qui tient en quelques mètres carrés, ici, là-bas. En centimètres serrés, de ci, de ça. Le je s’efface et se fait de plus en plus hypothétique, optionnel. Ou plutôt: pourquoi être soi, quand on peut être toi ? C’est cette approche, tant dans les relations interpersonnelles que dans la perspective d’écrire à nouveau, qui m’enchante pour ce début d’année. Mais rien n’est encore tout à fait écrit (ha). Khajiit va suivre, oui ?

En 2020:

  • Nous avons accueilli beaucoup d’amies et d’amis à la maison, sur des périodes plus ou moins longues.
  • Nous avons habité et investi notre appartement; décoré à notre image, rempli d’expressions et de couleurs, et je crois que nous pouvons enfin dire que nous sommes chez nous.
  • J’ai fait une mission d’intérêt général avec la région, pour distribuer des masques aux lycéennes et lycéens de la ville.
  • Des relations se sont approfondies, d’autres se sont distendues; à vous qui savez, merci — j’ai beaucoup reçu, et à vous qui partez, merci — nous avons bien vécu.
  • J’ai exploré ma sexualité et mes affections.
  • J’ai eu de nombreuses premières fois culinaires, citons pêle-mêle: monts d’or, liqueur de chartreuse, poulet tofu du général Tao…et de manière générale, j’ai aimé faire la cuisine — ce qui n’était pas le cas lorsque je vivais seul, mais cela se comprend je pense.

En ce qui concerne les objectifs fixés l’année dernière:

Il n’y a presque pas de raison de revenir sur chaque objectif, si ce n’est pour marquer la chose, en rythme, comme un gag de cartoon où Coyote se prend chaque piège qu’il avait lui-même laissé dans l’espoir d’attraper Bip-Bip.

mettre en ligne un site vitrine professionnel: échoué mais je suis à ça, à ça vous voyez ? Tenez, que pensez-vous de la page d’accueil ?

Capture d'écran d'un mockup du site pro

générer un chiffre d’affaire dans le dev et la rédaction web: échoué, mais j’ai fait quelques petites bricoles ici et là, et deux projets ont failli voir le jour, mais les personnes en face n’ont jamais donné suite.

développer le panoptique et repenser certains éléments du site, voire faire une refonte: échoué, il paraît que ce site existait ? Pfft. [je parlais du précédent sur lequel ces billets étaient postés à l’époque]

terminer la fanfiction arlésienne: échoué

publier au moins 12 textes critiques et/ou créatifs: échoué — une ébauche de texte a emergé vers septembre/octobre, ça s’appelle ”notes critiques diverses”, ça parle notamment de SUPERHOT et de Shadow of the Colossus, en voici un extrait:


Dénoncer la prédation du jeu, faire culpabiliser la joueuse: différences d’approche entre SotC et Superhot

SotC ne fétichise pas ce qu’il expose, ne sublime pas ce qu’il dénonce

Good shot, nice kill

Lorsqu’on tue un colosse, sa mort est l’objet d’une mise en scène pathétique: la créature s’effondre de tout son poids, ses membres se relâchent, les volumes se dégonflent; c’est la mort qui frappe, et pour l’avoir promptement infligé, il n’y a aucune célébration. Nous ne recevons ni objet rare, ni pléthore de points d’expérience, ni épiphanie post-complétion de puzzle. Pas même de musique de soulagement, juste un requiem, une marche funèbre. Bravo, tu as tué une créature, regarde ce que tu as accompli, et constate comme rien de tout ça ne mérite une quelconque réjouissance. Qu’as-tu accompli au juste ? Un meurtre de sang-froid ? Est-ce quelque chose qui mérite d’être fétichisé ?

Mais voilà Superhot qui se pointe, et chaque mort se perd parmi toutes les autres. Des avatars sans visage, sans forme, se pressent en masse dans des couloirs de level designers, des salles de laser game, pour mourir sous tes coups. A peine l’arme est-elle déchargée que tu la jettes contre un autre modèle pour en saisir une autre, en l’espace de deux frames. Le geste n’a aucun impact, c’est simplement des mécaniques. Il faut arriver au bout du niveau, c’est un puzzle, ce sont des pions, tu ne tues pas, tu brises des polygones rouges qui font des sons crystallins à l’impact. C’est du jeu vidéo, c’est okay. Ne panique pas, ne culpabilise pas, tu es dans un environnement contrôlé, contrôlable. Tu maîtrises littéralement le temps et l’espace pour chorégraphier tes meurtres. Tu es super. Tu es chaude comme la braise. Continue sur ta lancée, tu y es, là. Tu es SUPERHOT.

D’aucunes essaieront même, passé les premiers essais, de mettre en scène le ballet pour sublimer son replay à la fin du niveau. La récompense pour avoir parfaitement exécuté ce qu’on t’a demandé. Sauvegarde le replay, fais-le tourner encore et encore. Partage-le avec la communauté, poste-le sur youtube. Joue avec les angles de caméra, accélère. Ralentis. Accélère encore. Oui, c’est tellement bon. SUPERHOT, te crie la voix par-dessus ton oeuvre. SUPER HOT. SUPER HOT. Bonne performance. Mais tu peux faire mieux que ça, n’est-ce pas ? Tu peux faire encore plus chaud, encore plus. Voilà un autre niveau, des nouvelles configurations dans la salle. Des nouvelles armes, des ennemis plus retors. SUPER. Continue, tu vas devenir meilleure à ce jeu. HOT. Tu vas finir par percer le secret de ce monde.

Le corps y est, mais l’esprit, éventuellement, lâche. Tu éteins le jeu, et l’écran noir, le black mirror, ne te renvoie rien.

Mémoire morte, mémoire vive

Mais tu finis par rallumer la console, revenir chercher quelquechose. Que proposent les deux jeux, en réponse à ta soif de meurtre ?

SotC t’accueille avec un nouveau cycle, qui se déroule exactement comme le précédent. Tu te réveilles dans le temple, tu appelles ton cheval, et tu repars dans les plaines, à la recherche de ta prochaine proie. Rien n’a changé. Tu as toujours une épée, elle brille, elle veut boire une âme. Business as usual. Tu attendais une nouveauté, peut-être. Une altération. N’importe quoi, pourvu qu’on ne me demande pas encore de tuer pour rien . Par pitié, justifiez-moi mes meurtres. Une évolution de gameplay, une ligne de dialogue, de l’histoire, quelque chose. N’importe quoi. Une chose.

Non, dit SotC.

SUPERHOT, lui, savait que tu allais revenir. En fait, on t’attendait. C’était écrit, c’était prévu. Ton hésitation après la première interruption forcée, ta pause dans la frénésie était inclus dans la fonction. Une routine programmatique. Bonne performance. SUPERHOT te force à quitter le jeu, non sans t’avoir averti que revenir risquait d’avoir des conséquences, alors qu’est-ce que tu fais ?

Tu suis le script, pardi. Tu reviens. Et tu feins d’être étonnée que le jeu avait prévu que tu reviennes.

Hein ?

C’est méta, te dit-on. C’est SUPER. C’est HOT HOT HOT.

“No plot, no reason for anything, just killing red guys”

En vérité, le jeu vidéo est un medium prédateur.


Si ça vous a plu, vous pouvez vous abonner à mon Patreon et financer mon Kickstarter — ha. ha.


créer de nouvelles actions pour MaratzBot: échoué.

créer un cosplay de Dorian et le porter à la Japan Expo Paris: échoué remis à plus tard, quand on pourra se retrouver à nouveau par milliers dans un hangar.

apprendre les rudiments du montage vidéo et sortir des expérimentations YTP pour s’entraîner: échoué

améliorer le setup de stream et en faire plus souvent, notamment pour vider le dosbûche vapeur et assimilés: réussi, venez sur twitch point tv slash maratz tiret du bas, on y fait du jeu rigolo, navrant, amusant, les trois à la fois ou rien à la fois, ou d’autres choses encore.

apprendre les rudiments de la couture: échoué

courir vite à nouveau, et si possible vite: échoué

atteindre plat 4 sur LoL, je persiste et signe: échoué J’ai arrêté de jouer au jeu dans le milieu de l’année. Je ne doute pas que je le relancerai ici et là, mais sans plus aucun objectif vis-à-vis du classement.

atteindre top 140 avec Dorian, et top 200 éventuellement pour d’autres (soft résolution): échoué pour Dorian à un moment dans l’année (depuis je suis redescendu à la 149ème position), et j’ai également réussi à atteindre le top 200 avec Dove (132ème).

remplir les objectifs pour SC-2: échoué. Peut-être l’objectif le plus facile, et en même temps, le plus dur. Avais-je envie de jouer à Detroit: Become Human ? On est d’accord.

atteindre les objectifs culturels fixés pour l’année: échoué dans 3 domaines sur 4.

Résolutions tenues en 2019: 2 sur 15.

Résolutions pour 2020

Quoi, vous pensiez qu’avec la fessée reçue l’année dernière j’allais faire une croix sur ce rituel de prendre des résolutions ? Mais enfin, c’est mal connaître la bête. C’est une chose de ne pas y arriver, et de continuer à ne pas y arriver, c’en est une autre d’arriver à continuer malgré tout. Je ne prends rien du reste, et à ce stade je pense que plus personne n’est dupe, j’annonce. Et après l’annonce, le triomphe — or else

  • mettre en ligne un site vitrine professionnel.
  • générer un chiffre d’affaire avec le développement web et l’écriture.
  • refaire ce site.
  • rajouter des fonctionnalités à MaratzBot.
  • écrire et publier.
  • terminer la fanfiction.
  • courir (c’est la case gratuite au centre de la grille de bingo ça, compte tenu que la belle-soeur va probablement m’embarquer avec elle pour ses sessions, vous voyez, il est facile ce jeu des résolutions).
  • atteindre les objectifs culturels fixés pour l’année.
  • de manière générale, professionnelle, personnelle, créative, retrouver une rigueur et briser lespatterns.

Photo de couverture: Dương Nhân